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Reconstruire le Népal !

  • Writer: The Odyssey
    The Odyssey
  • Jul 30, 2018
  • 5 min read

Aux grands monts, les grands remèdes

Le 25 avril 2015, un séisme de magnitude 7.8 touche le Népal, suivi quelques semaines plus tard par un second de magnitude 7.3 tuant 9600 personnes, en blessant 22.000 et détruisant 800.000 maisons laissant ainsi 60.000 Népalais dans des conditions précaires. Trois ans après, durant notre voyage, en vagabondant lors de nos soirées à Katmandou nous avons été particulièrement marqués par le nombre de bâtiments encore en ruines, vétustes, fragilisés et à l’inverse le peu d’immeubles en reconstruction. Pour le moment la vision d’une ville retrouvant son visage d’antan est encore loin, la plupart des bâtiments majeurs à travers la ville sont parsemés de fissures et le centre historique de Katmandou[1] offre encore un spectacle atristant. En traversant, par la suite, le Népal, le constat restait alarmant : les masures de tôle, les gargotes et les routes ne sont qu’un chantier perpétuel. Pourtant en 2015, le Népal a été le pays le plus aidé au monde. Trois ans après le séisme, nous nous sommes naturellement demandés comment le désastre avait-il été géré ? Comment l’aide humanitaire avait-t-elle été répartie ?

Le centre de Katmandou après le séisme


Avant de pouvoir comprendre l’état actuel des choses, il nous faut d’abord étudier la gestion de la crise. Nos recherches ont révélé que de nombreux facteurs ont empêché la forte présence de l’aide internationale à intervenir efficacement après la catastrophe. D’abord, l’aéroport de Katmandou étant d’une taille très limitée, il a rapidement été submergé « de matériel médical, de nourriture, de tentes et de couvertures destinées aux populations affectées »[2] . Les petites infrastructures et notamment la piste unique ne pouvaient alors pas accueillir tous les avions qui souhaitaient atterrir et encore moins trier et redistribuer les vivres et autres cartons s’empilant sur le tarmac brûlant. De plus il y a parfois eu quelques incompréhensions culturelles dans les produits apportés qui ont réservé des surprises comme l’apport de pots de mayonnaise industrielle qui ne correspondaient aucunement aux goûts népalais. Ensuite, les distributeurs se sont retrouvés devant la difficulté de faire parvenir le matériel aux différents coins du pays. En effet, le Népal ne comportait que très peu de voies importantes et la plupart des infrastructures (ponts, tunnels etc… ) étaient endommagées.




Mais cette mauvaise gestion n’est pas seulement pratique, elle est aussi politique. Comme nous l’avions écrit dans un précédent post Facebook, le pays se remettait doucement d’une guerre civile de dix ans achevée en 2006 et traversait ainsi une grande période d’instabilité politique. Depuis 2008, année de l’abolition de la monarchie, l’assemblée constituante n’avait toujours pas réussi à statuer sur une nouvelle constitution. Comme l’explique l’analyste politique Prof.Dr.Krishna Hachhethu « Le pays ne possède aucune institution stable et tous les partis sont absorbés par des débats sur le fédéralisme, la république. Ils sont incapables de gérer les affaires courantes du pays » Les ministères ont donc géré la crise sans se coordonner. Le premier ministre, âgé alors de 76 ans et souffrant d’un cancer, a été presque invisible pendant les jours qui ont suivi le tremblement et il n’y avait tout simplement aucun organisme d’Etat capable d’une part de gérer la crise et d’autre part de contrôler un apport financier aussi important dans des monnaies bien supérieures à la roupie Népalaise. Le directeur du Centre népalais pour les études contemporaines Lok Raj Baral regrette par exemple que « L’une des leçons de ce séisme, c’est qu’il n’y a pas de gouvernance dans ce pays ». Chaque politicien a alors essayé de tirer son épingle du jeu, de satisfaire la province d’où il était originaire ou encore ses électeurs. Ainsi ce fourmillement de solidarité a malheureusement très rapidement tourné au fiasco.

Mais ce n’est pas tout. A la politique intérieure s’ajoute une dimension géopolitique qui a fait entrave à une gestion de crise efficace. En effet, les intérêts politiques de l’Inde ont asphyxié le pays au moment où il était le plus vulnérable. D’après le site laCité « le 16 septembre 2015, après neuf années de discussions entre les partis politiques, la nouvelle constitution est rejetée par la population des Madhesis, un groupe ethnique vivant dans les plaines du sud du Népal, limitrophes de l’Inde. Les Madhesis ont proclamé une grève générale en décidant de bloquer le plus grand poste de frontière avec l’Inde, à Birgunj, où transitent 70% des échanges commerciaux entre les deux pays. » L’inde les a laissé faire et a donc supporté de façon inavouée le conflit pour renforcer son emprise sur l’économie du Népal qui n’avait plus aucun accès à la mer et plus d’autres possibilités que de renforcer sa dépendance avec son grand voisin.

Tous ces facteurs combinés aboutissent à un résultat affligeant. Un an après le séisme, les indemnisations peinaient à parvenir à ceux qui avaient tout perdu et profitaient aux oligarques népalais. La communauté internationale s’était pourtant mobilisée pour financer la reconstruction. Le pays avait ainsi déjà reçu 1,1 milliard de dollars de dons d’aide. Mais les dissensions entre les partis au pouvoir sur le contrôle de cette manne en ont paralysé la distribution. Deux ans après la catastrophe, 70% des victimes vivaient encore dans des habitats de fortune. Les 4 milliard de Dollars US donnés par l’aide internationale[3] ont été extrêmement mal repartis. L’argent n’a pas été transmis via des plans précis, il n’y a pas eu de contrôls clairs. Il a été réparti entre 300 différentes ONG et chacune l’a utilisé de manières différentes sans se concerter sur une vision précise. Les autorités ont estimé que seulement 10% des bâtisses détruites ont été reconstruites par cette aide. Une institution d’Etat a aussi été créée mais a fortement ralenti le processus de reconstruction. Elle n’était pas nécessairement en accord avec les associations et les a forcées à arrêter les chantiers mis en œuvre pour pouvoir vérifier le travail de tous. Enfin, le manque de transparence et de suivi des donateurs de ces masses budgétaires allouées, a facilité la corruption au sein d’un pays où elle était déjà fortement présente .

Ces différents aspects de la gestion du Népal nous ont fait comprendre les enjeux lors d’aide international d’envergures, nous retenons principalement que les pays doivent avoir des corps gouvernementaux pouvant réagir rapidement, qu’il faut toujours y avoir un suivi de l’argent et qu’il ne peut être distribué au hasard. De plus , ne serait-il pas préférable de réfléchir à la manière de distribuer cette aide en amont ? Plutôt que de panser les plaies, l’important est de soigner sur le long terme et de penser au développement futur du pays. L’aide international est une arme à double tranchant et sans organes politiques solides, c’est entre de mauvaise mains qu’elle peut se retrouver…

[1] Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO


[2] Selon un article du Monde datant de mai 2015


[3] Selon un article du site Australian Conversation

 
 
 

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